En 2020, j'ai donné naissance à des jumelles prématurées, nées à 32 semaines et 5 jours. Pour en savoir plus sur cet accouchement beaucoup plus tôt que prévu, en pleine crise sanitaire, je vous invite à lire la partie 1.
La néonatalogie - espace où le temps est suspendu, alors que des âmes se promènent entre ciel et terre...
Ce n'est vraiment pas facile de se faire à l'idée que son enfant soit arrivé au monde si tôt, qu'il doive rester hospitalisé le temps d'être assez fort pour affronter le monde sans l'aide de machines qui assurent sa survie.
Bip, bip biiiiip
Les parents qui vivent la néonatalogie gardent assurément des souvenir de ces bruits continuels que l'on y entend, jour et nuit. Sans parler de l'inquiétude que l'on ressent lorsque notre enfant cesse de respirer quelques secondes, qu'il s'étouffe dans son gavage, qu'il tressaute au moindre bruit... le coeur de parent est mis à l'épreuve de voir son petit trésor relié par des fils et tubes. Tellement loin de la venue au monde que l'on s'imaginait, pleine de douceur et de calins.
Rationnellement on sait que c'est nécessaire, mais ça fait mal vivre le deuil d'un bel accouchement, d'un enfant qui naît sans complications, d'être témoin des (trop) nombreuses interventions, piqûres, vaccin, manipulation, examens... on voudrait oublier tout cela, mais impossible.
Les jours qui ont suivi la naissance ont passé à toute vitesse et nous avons assurément fait une équipe fabuleuse pour s'occuper des bébés soit chacun notre tour ou simultanément avec chacun un bébé. Le fait que l'accouchement s'est déroulé rapidement nous a permi de ne pas être trop épuisé dès le départ. La routine des premiers jours était relativement simple puisque les filles étaient gavées, nous pouvions les prendre un peau à peau plusieurs fois par jours et je pouvais me concentrer sur les nombreuses séances de tire-lait. J'aborderai dans un autre article de la mise en marche de l'allaitement pour les bébés prématurés qui séjournent en néonatalogie. Nous avons séjourné presque 1 semaine à la maternité, pour diverses raisons, et cela a vraiment contribué à faciliter notre participation aux soins des bébés.
D'ailleurs, c'est seulement plus tard que j'ai réalisé que les débuts c'était le "Club Med" car j'étais logée, nourrie et où je pouvais me concentrer à fond sur ma production de lait, être présente pour les soins, donner les boires et faire du peau à peau.
Cependant, nous avions aussi nos 2 grands enfants, qui étaient tout ce temps aux bons soins de leur grand-parents, et qui commencaient à s'ennuyer de leur parent. Ils nous manquaient aussi énormément malgré les journées bien remplies à l'hôpital. Lorsque nous avons eu notre congé, on nous a proposé une chambre de courtoisie, mais pour moi c'était impensable de rester à temps plein avec les bébés et de ne pas voir mes autres enfants, surtout que nous habitons à seulement 15 minutes du centre hospitalier. Nous avons donc décidé de retourner à la maison auprès des enfants et de faire les allers-retours chaque jour vers l'hôpital.
Revenir à la maison les mains vides est assurément un choc.
On était à la fois vraiment heureux de retrouver nos enfants, notre lit, notre environnement mais c'était vraiment étrange de ne pas avoir les bébés avec nous. On se sentait coupable de les laisser... Quelle confusion aussi pour les enfants, de savoir que leurs petites soeurs étaient encore hospitalisées. Pour rendre cela plus concret, nous avons apporté les bricolages qu'ils ont fait pour les bébés à l'hôpital et avons montré des photos et vidéos des petites à côté. Ils étaient tellement fiers!
À cette période, nos enfants ne fréquentaient aucune garderie, ils étaient donc à temps plein à la maison. Ce fut donc toute une gymnastique de coordonner nos obligations de part et d'autre. Surtout que nous n'avions pas vraiment d'aide, car la pandémie du Covid battait son plein. Nous allions à l'hôpital chaque jour; un parent y allait le matin pour toute la journée, on revenait souper en famille puis l'autre partait pour toute la soirée. Entre tout cela, je tirais mon lait chaque 3h et il fallait aussi s'occuper des enfants à la maison, faire les repas etc.
Laisser nos bébés chaque soirs jusqu'au lendemain matin était difficile, mais on savait qu'on faisait ce qui nos semblait être le meilleur équilibre de temps pour soutenir nos 4 enfants et garder notre équilibre mental.
Chaque matin, c'était un plaisir de retrouver nos petits bébés, jaser avec l'équipe d'infirmières de ce qui s'était passé pendant la nuit. Et surtout, nous attendions avec impatience le passage du pédiatre pour savoir les nouvelles du jour. Un petit pas à la fois, nos bébés ont vraiment progressé vite! C'était vraiment rassurant de les savoir entre de bonnes mains, car l'équipe sur place était vraiment présente pour nos questionnements et nous aider à développer notre autonomie dans les soins de nos minuscules bébés.
Chaque fois que de nouveaux bébés entraient dans l'unité de néonatalogie, on nous déplaçait vers le fond du local en nous disait que c'était un bon signe, qu'on s'approchait de la sortie. Je trouvais tellement cela encourageant de voir des bébés un jour et le lendemain apprendre qu'ils avaient eu leur congé! Notre tour viendrait, éventuellement. J'avais tellement d'empathie pour les parents qui faisaient leur entrée avec leur nouveau né, on devient vite des "habitués" dans cet environnement, où l'on passe de longues heures chaque jour!
Je me rappelle lorsque les filles ont été mis en couchette, enfin sorties de l'incubateur nous avons été tellement heureux et émotifs de ce grand avancement! Puis, graduellement ont été retirés les moniteurs.
Un matin, alors que j'entrais dans l'hôpital, j'ai reçu un appel de l'infirmière qui m'annonçait que le pédiatre avait signé notre congé, pour le jour même... j'étais sous le choc, en panique même car je ne m'y attendais pas avant encore 2-3 jours.
Même si c'était terrifiant de quitter avec ces deux bébé si petits, si fragiles, le temps était venu pour nous tous de se réunir à la maison!
J'ai tellement pleuré ce matin là, alors qu'on m'expliquait une tonne de choses pour le retour à la maison; les soins, enrichir les biberons, le sommeil, la fréquence des boires etc. On était vraiment inquiet et triste de quitter cet environnement rassurant, les infirmières qui sont aux petits soins de nos bébés, mais aussi qui ont été de véritables conseillères et confidentes... Devoir s'assurer par nous même de l'entière survie de nos tout petits bébés, qui ne pesaient même pas encore 5 lbs au départ de l'hôpital, nous semblait une responsabilité immense.
Et pourtant, du moment que nos avons franchi la porte de notre maison avec nos deux croquettes et qu'enfin nous avons pu les présenter à leur frère et soeur, la pression est tombée. Finalement, nous pouvions commencer à apprivoiser notre nouvelle vie de famille à 6 dans le confort de notre chez nous, loin des bip bip de la néonatalogie!